La Touraine troglodytique

Je n'ai aucune intention de faire un livre la dessus même si le sujet est très riche mais simplement reprendre ce que j'ai retenu au cours de mes recherches

Dans la vallée de la Loire, les "troglo" sont sur la rive droite (de l'amont vers l'aval)
  • Rochecorbon
  • Vouvray
  • Bourgueil
J'approfondis les utilisations et l'architecture de ces troglodytes

Rochecorbon (Indre-et-Loire)

Le coteau s'étalant en terrasses abruptes, les "caves" ont une grande diversité. Selon le niveau des terrasses par rapport à la vallée,
  • soit les caves sont creusées en contrebas
  • soit elles sont surélevées d'1 m à 1 m 50
La façade est appareillée et protégée par un large rebord rocheux
Si la hauteur de la falaise le permet, les "troglos" peuvent se superposer jusqu'à 3 niveaux reliés par d'étroits escaliers
En bas de falaise, on trouve alignés le garage, la cave, le cellier, et un ou deux espaces d'habitation creusés en enfilade d'une largeur de 3 à 4 m pour 6 à 10 m de profondeur
 

Vouvray (Indre-et-Loire)

Présence de la Cisse, affluent de la Loire
La rive droite de la Loire est une zone de bas champs qui s'élèvent en pente douce vers la Cisse qui borde le coteau
Le coteau abrite un alignement troglodytique de 10 km (de Vernou à Cangé via Noizay, Nazelle, Pocé et Limeray)
Habitation troglodyte 

Bourgueil

Après une zone de bas champs et de terrains morts sur la rive de la Loire une couronne de tuffeau affleure le plateau encerclant un calcaire très tendre
De nombreuses caves sont creusées dans ce tuffeau, particulièrement entre Bourgueuil et Benais, formant d’immenses carrières souterraines reliées entre elles, sous les vignes, par des rues intérieures à ciel ouvert
Cependant sur la rive gauche, il existe quelques "troglos" isolés comme
  • Montlouis : sur 2 niveaux le long de la voie principale au Bas Rocher et sur un chemin secondaire en haut de coteau
  • Amboise : comme la Cote Chaude qui compte 3 foyers troglo avec un pressoir
mais ils ne m'inspirent pas

Les utilisations

Ce qui m’intéresse :
  • Troglodyte d'habitat - celui la m'interesse
  • Troglodyte rural : comme les caves de champagnisation (Vouvray, Bourgueil, ...) ou de vin, les caves champignonnières (Nazelle, Bourré, Rigny, ...) - celles la figureront dans mon décor
Il en existe d'autres comme le troglodyte funéraire et religieux (l'abbaye de Noirmoutier ou la chapelle Sainte Radegonde à Chinon), le troglodyte militaire en particulier à Saint Mars la Pile, le troglodyte commercial (cave-restaurant sur Montlouis, Rochecorbon, Vouvray), ... et bien d'autres encore.

L'architecture

C'est le plus essentiel et qu'il me faut comprendre si je veux le restituer
Contrairement à l'Anjou tout proche qui comprends des troglo de plaine excavés dans du tuffeau ou du falun, la Touraine ne compte que des troglo à flanc de coteau excavés dans du tuffeau.


Sur la hauteur

Selon la hauteur du coteau, on a 1 niveau

mais cela peut atteindre 2 niveaux

voire 3 niveaux (comme dans le coteau d'Amboise qui atteint 30 m de denivelé).


Lorsqu'il n'est pas relié à la terre ferme par un escalier taillé dans le tuffeau, intérieur

ou extérieur, le second niveau - souvent aménagé en chambre - est accessible par une échelle ou un escalier de bois
Montsoreau, une échelle, située sur le toit d’une dépendance, assure le passage jusqu’au sommet

En d'autres lieux le coteau permet une vraie vie en hauteur
  • ici au 2eme niveau
  • ici au niveau de la route

Dans la profondeur

En "ville" une parcelle (de 4 à 12 m de large par 10 à 20 m de profondeur) se décompose souvent en 3 parties :
  • le bâtiment sur rue : il s'agit d'une construction traditionnelle composée d'un rez de chaussée et d'un étage, dont le toit à double pente est recouvert de petites tuiles en rive d'égout et d'ardoise (d'Angers) en faitage
  • la cour intérieure : cette partie, intermédiaire entre le batiment de rue et le troglo, est quelquefois transformée en potager et sert de passage ente le troglo et la rue
  • le troglo : en fond

La "maison" troglodytique

Elle est linéaire, constituée d'une enfilade de pièce, dont la profondeur totale peut atteindre 20 m.
La largeur des pièces est realtivement constante mais l'épaisseur de "plancher" entre 2 niveaux peut varier de 1m50 à 2m

Elle se divise généralement en 3 pièces :
  • La première est l'élément dynamique car c'est la que l'on vit et que l'on reçoit . Plutôt rectangulaire et profonde d'environ 6 m, elle comprend souvent une cheminée. Il y a souvent de nombreuses niches creusées dans le tuffeau ; Une table, 4 chaises, un buffet ou une maie constituent le mobilier de base ; Le reste se composant d'une fenêtre et d'un évier
  • La deuxième, de seulement 2 à 4 m de profondeur, est soit un lieu de rangement soit une chambre, et elle est peu éclairée sauf si un cloisonnement à mi hauteur seulement la sépare de la première pièce
  • La troisième contient en général la réserve de bois ou de charbon ; Cette remise de 10 à 12 m de profondeur est sans lumière ; et en appendice est souvent creusé le "caveau" qui est la réserve de vin
Le four à pain, d'abord four communal et, comme le puits, un lieu de rencontre et d’échange, se retrouve dans chaque habitation. Il est placé derrière la cheminée et sert essentiellement, comme le four communal, à la cuisson du pain. Souvent, la coupole est en brique ou en pierre de tuffeau (pierre réfractaire) parfois, elle est en partie taillée dans la roche.
Intérieur d'un four
 La cheminée dans l’habitation est primordiale, et on la retrouve dans les habitats troglodytes.
Elle est souvent située près de la fenêtre.
Certaines cheminées ont été taillées directement dans le rocher.
Cheminée avec four, niches en façade de la cheminée et à l’intérieur. Fond taillé dans la roche et devant appareillé.

Parfois un four est placé derrière pour faire cuire son pain.
Très souvent des niches ont été aménagées y compris dans les cheminées (conserver le sel) et des trous pour ranger les outils de la cheminée.



1 planche venait se glisser dans les 2 rainures taillées dans la roche


Dans certaines habitations, il y avait aussi le potager, ancêtre de la cuisinière, pour faire cuire les aliments avec de la braise.
Cheminée avec four au fond ...
... et potager
L'extension peut se faire de 3 façons
  • soit en collant à la paroi rocheuse un bâti traditionnel pour des fonctions de cuisine, chambre ou coin-toilette : la maison est alors semi-troglodytique

  • soit en creusant et en aménageant dans la partie supérieure du rocher un second niveau, souvent pour une chambre ; la circulation se fait alors par un escalier intérieur creusé dans le tuffeau, ou par un escalier de bois ou de pierre extérieur
  • soit en creusant en profondeur, par exemple en creusant des "boyaux" avec les troglo voisines qu'il peut avoir acquis
La façade est variée :

  • peut exister à l'état brut prise dans le tuffeau
  • mixte, elle peut se composer d'une végétation abondante et d'un assemblage de matériaux - briques et pierres - sans ordre géométrique déterminé voir même assez étonnante
  • un auvent complète souvent l'ensemble , ici il couvre même l'escalier extérieur
  • le conduit de cheminée extérieur fait partie du décor : suivant l'époque de sa construction, il est en tuffeau, briques appareillées ou béton moulé
  • Traces de poutres laissées lors de la construction : pour creuser le conduit, on partait du bas pour monter jusqu’en haut.
  • il s'élance à travers la végétation de couverture qui sert de voûte intouchable, son équilibre naturel empêchant les infiltrations - ce qui oblige a contrôler les arbres, sans racines trop envahissantes qui menaceraient le roc mais suffisant pour maintenir le couvert protecteur

Les dépendances

  • Les vignerons aménageaient des caves pour y stocker leur vin et leurs denrées agricoles ; Fabrication et stockage du vin ont une importance particulière dans une région viticole comme la mienne : autrefois, chacun avait sa vigne, son vin. Donc salle de pressoir et cave étaient très répandues
    Et des dispositifs spécifiques répondaient à des besoins précis :
    • Les jittes, conduit creusé dans la roche permettant de jeter directement la vendange dans le pressoir depuis la surface.
    • Des rigoles aménagées pour faire couler le jus de pressage vers les enchaires.
    • Les enchaires, cuves de décantation, creusées dans la roche
    Pressoir casse-cou

    Pressoir dit “à cage” (ou “à vis”)
    On aperçoit la jitte d’où part une pièce en métal qui fait tomber le raisin directement dans le pressoir.
     
    3 “niches” accueillent 3 pressoirs, juste devant la rigole où coulait le jus de pressage
    Restes de pressoir dans une dépendance située dans une ruelle souterraine à Souzay-Champigny
    La production était surtout personnelle ou en assez petite quantité, les caves à vin sont souvent creusées dans le seul but d’en faire une cave à vin.
    Elles sont perpendiculaires au coteau pour rechercher l’obscurité, la stabilité thermique et l’humidité, éléments nécessaires pour une bonne conservation du vin. Elles font tout au plus 20 à 30 mètres de profondeur.
    Au 19e, le développement de certains producteurs va les conduire à utiliser des caves de plus en plus grandes et à investir les carrières abandonnées.
  • Le garde-manger,
  • Le cellier,
  • La forge,
  • Le fenil,
  • Le four, quand il n'est pas dans l'habitation 
  • Le four à fruits pour dessécher des denrées périssables (viandes, fruits,...), plus grand que le four à pain. Les fruits tapés de la région (pommes, prunes,...) étaient très connus et très réputés (ex les pommes tapées enfournées durant 5 jours, quotidiennement retournées et “tapées” avec un petit marteau pour les aplatir, puis mises en bocaux).
  • La buanderie
  • Des dépendances pour ranger des outils ou des machines nécessaires à la vie quotidienne


  • Des dépendances pour installer diverses machines. Le plus souvent, le pressoir mais comme il s'agit d'un peuple rural, tout outil nécessaire pour transformer un produit pour la consommation (meule pour l’huile de noix, machine à venter le grain, ...)
  • Meule pour faire de l’huile de noix
    venter le grain pour enlever balle et poussière.
  • L'étable, qui abritait des chèvres, des brebis, quelques vaches (2 ou 3 tout au plus), un mulet ou un âne, un cheval plus rarement car ça coûtait cher.
    Des anneaux étaient directement taillés dans la roche. Ils paraissent fragiles mais sont très solides car même l’usure a du mal à en venir à bout.
    Les mangeoires étaient directement taillées dans la pierre lors de la conception du lieu mais elles ont souvent été remplacées par des mangeoires indépendantes.
  • Le pondoir
  • La fuie (ou fuye), pigeonnier ou colombieru, souterraine était de forme et de taille extrêmement variées fonction du statut de son propriétaire. Le nombre de boulins en fonction du nombre de terres possédées : un boulin par arpent de terre.
  • plan de coupe de fuies
  • La magnanerie, car le ver à soie a connu son essor en Touraine du 16e au 18e siècle. Les petites alvéoles taillées dans le roc (les “coconniers”) abritaient les vers. Les verrières, femmes s’occupant de l’élevage des vers à soie, plaçaient dans ces loges un balai de bruyère où les “magnans” faisaient leur cocons. La soie produite était acheminée par bateau jusqu’aux soieries de Tours.
  • Le silo souterrain. Le but des silos est de conserver des graines.
    Le principe est simple. Les graines sont mises dans un silo, le silo doit être rempli, il est fermé de manière étanche par une pierre recouverte d'argile. Les graines qui sont contre les parois vont commencer à germer avec l’humidité et en germant, elles vont prendre plus de place. Cette mince croûte de graines germées créée une barrière dure et solide contre l’humidité et en germant auront absorbé tout l’air présent dans le silo. Sans air et sans eau, impossible aux autres graines de germer.

  • Le grenier souterrain, lui, est un complexe de silos souterrains, les silos sont soit creusés directement dans le roc et reliés entre eux, soit bâtis en briques dans un grand volume excavé, parfois sur plusieurs niveaux. Ils vont de quelques silos à plus d’une vingtaine.
Deux accès à des greniers souterrains

Un "specimen" : Brézé

la boulangerie

C'est un modèle intéressant que Brézé dans le Maine et Loire car le château abrite un immense réseau troglodyte qui disposait, entre autres, d’une magnanerie, d’une écurie souterraine, de cachots, d’une salle des pressoirs, d’une cave mais aussi d’une boulangerie.
La cheminée monumentale, du 16e, était autrefois équipée de crémaillères permettant de cuire toutes sortes d’aliments.
Elle accueille 3 fours : 2 grands fours à pain et 1 plus petit, sur la gauche, dit «four à sucreries».


Pour séparer le son de la farine, on utilisait le blutoir.
le blutoir à l’extrême droite
La farine était conservée dans une maie-pétrin visible devant la cheminée.
La cuisine-boulangerie comporte un puits à eau à 2 niveaux, de 15 m de profondeur, et un évier en cuivre.
La niche, creusée en hauteur, en face de la cheminée, était la chambre du boulanger. Il y accédait par un étroit escalier monolithique. Cette installation lui permettait de se reposer tout en surveillant le tirage des fours et la réserve (la petite pièce du fond).
Chambre du boulanger dans la niche

L’escalier situé à droite de la cheminée mène au-dessus des fours à la pièce chaude.

Son sol, pavé de tomettes, chauffait lorsque les fours étaient allumés. Ainsi la pâte à pain, posée sur les tomettes, levait plus rapidement. On y conservait aussi le levain sur les grosses étagères monolithiques, à l’écart de la chaleur du sol.
Derrière la porte menant à la pièce chaude, on trouve enfin un potager à 3 réchauds du 19e

la salle des pressoirs

On y a pressé le raisin depuis le 16e jusqu'en 1976. Cette salle conserve l’emplacement de 3 importants pressoirs.
À l’extrême droite, on voit les poutres qui subsistent d’un pressoir du 16e.
Au centre, le pressoir dit «à cage» est plus récent. Il était électrifié, permettant un gain de manœuvre important. Il est équipé d’une jitte, un conduit creusé dans le tuffeau depuis la surface, qui permettait aux vignerons de jeter directement la vendange dans le pressoir. D'autre part, la «cage» évitait que le raisin ne s’éparpille en dehors de la zone de presse.
Enfin à gauche, on peut voir un très rare pressoir du début du 19e que l’on appelle pressoir à cliquets. Il est muni de ressorts pour augmenter la pression du moût : les battants actuellement relevés étaient ouverts vers le sol. De cette façon, les raisins emprisonnés dessous étaient écrasés sous la pression des ressorts qui se détendaient doucement. Ce pressoir nécessitait 9 personnes pour fonctionner et a été abandonné. Le long des pressoirs se trouvent des rigoles dans lesquelles coulait le jus extrait des raisins. Il était ainsi acheminé vers 2 cuves de décantation : les «enchaires». Celles-ci étaient munies de claires-voies afin d’empêcher l’intrusion d’animaux. Le jus subissait une première fermentation et un premier filtrage dans les enchaires, puis il était extrait pour être mis en foudres et en barriques dans la salle des foudres. Les cuves étant en tuffeau (pierre poreuse), les vignerons avaient soin de les remplir d’eau pendant les deux mois précédant les vendanges de façon à perdre le moins de jus possible.
(voir paragraphe Les dépendances plus haut)

la cave des foudres

Ancien cellier, lieu de vinification jusqu'en 1981. Chaque foudre a une contenance d’un peu plus de 22 hectolitres (soit 2 200 l).
La pièce a conservé cette couleur noire, obtenue par la présence d’un champignon qui se développe dans les caves à vin et dont la croissance est favorisée lors de la fermentation du jus ("la part des anges").


l’écurie

Les écuries taillées dans le tuffeau avec la mangeoire sur la droite

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